mardi 29 juillet 2014

c'est le début d'un temps nouveau























(lettre à ma fille)

Cette aventure c'est terminée en se berçant doucement, dans un hamac, au coeur du parc régional de la forêt de Ouareau. Cette décision était bien réfléchie mais je ne me faisais pas à l'idée de la mettre à exécution. Après 40 mois, l'habitude était bien ancrée. Après tout, il faudrait en moyenne 21 jours pour former une habitude et nous en étions à plus de 1200.

Je t'avais bien préparée...aussi bien que l'on peut préparer un enfant de 3 ans pour qui la notion du temps est loin d'être acquise. En réalité, je crois que je me préparais à mon propre "deuil" car sevrer un enfant de 40 mois peut être une épreuve psychologique. Mettre fin à l'allaitement d'un poupon n'est pas plus évident. Je dis seulement que le processus m'apparait différent.

J'ai toujours envisagé un sevrage naturel. Lentement tu te serais désintéressée et la page aurait alors été tournée en toute simplicité. Je t'ai donc allaité de plein gré (à l'expo de Jean Paul Gaultier, dans le métro de New York, au défunt Madrid sur la 20, etc.), sans la moindre difficulté, et jamais nous nous sommes cachées. En 40 mois, nous n'avons jamais été victimes de commentaires désobligeants ou même de regards déplacés. 

Par contre, il suffisait de te poser la question pour rapidement réaliser que ce que tu aimais le plus au monde était le lait de maman et tu n'avais absolument aucun plan de cesser ta consommation de ce liquide que tu qualifiais de vanillé. Le jour de tes 3 ans, tu ne tétais que le matin ou en "cas d'urgence". Je dois t'avouer que les semaines suivantes, ces quelques tétées, j'y allais un peu à reculons.

Allaiter un enfant de 3 ans n'est plus une question de "demande", c'est un consentement mutuel...un allaitement dit à l'amiable. Je n'avais simplement plus le désir de te donner le sein. Le coeur n'y était plus. La vie en était ainsi.

Comment te faire comprendre, du haut de tes 40 mois, que cette coupure n'était pas une punition. Tu n'avais absolument rien à te reprocher. J'engoissais à l'idée que tu te sentes rejettée par la productrice de lait. J'anticipais avec terreur les 5 phases du deuil que tu allais bientôt (nous faire) vivre. 

Je t'ai naivement dit que le lait resterait à Kabania. Avec un regard de "me prends-tu pour une conne" tu m'as dit: "Maman, regardes, le lait est dans tes seins et pas à Kabania" (epic fail).

Et puis le moment de la dernière tétée est arrivée. C'est dans un hamac coloré, sous une cabane perchée dans les arbres, que nous avons silencieusement pleurées. Tu comprenais très bien la suite des choses car tu buvais avec une rare intensité. Tu m'as ensuite dit que tu étais très triste. Je t'ai dit que j'étais très triste.

Puis les jours ont passés.

La fin de cette aventure est à l'image de son commencement: sans aucun problème. Je suis soulagée mais j'ai quand même le coeur gros et la larme facile...beaucoup plus que toi je crois.

T'allaiter, au gré des saisons, fut un privilège incroyable. C'est une expérience qui n'est pas donnée à beaucoup de monde dans notre coin de planète. Merci de tout coeur ma belle Alice.

C'est donc le début d'une nouvelle aventure. Levons nos verres...de lait d'amande!

5 commentaires:

  1. C'est en pleurant que j'ai lu la fin. J'allaite ma fille de 18 mois, nous ne sommes pas prête pour le sevrage mais pour le moment rien ne presse... Merci pour ce témoignage. Ma fille porte le même prénom que la vôtre !

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    1. Um, il semblerait que je fais pleurer beaucoup de monde avec ce texte ;)
      Prenez votre temps et allez y avec votre coeur de maman. Allaiter c'est toute une aventure! Amusez-vous bien avec votre petite madame ce weekend!

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  2. Oh moi aussi j'ai pleuré. Quel beau texte. Et quelle lucidité et amour vous partagez, toi et ta fille.

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    1. Un beau commentaire comme ça...c'est un bonne manière de commencer ma fin de semaine! Merci :)

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  3. Grosses larmes ici aussi, c'est si beau cette lettre. L'allaitement reste un sujet tellement sensible dans mon coeur.

    Claudia, je connaissais pas ce blog. J'avais été voir quelques fois "aux petits oiseaux" mais je n'étais pas assidue. Je binge depuis tantôt, et ça me fait m'ennuyer de toi. xo

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